De la vision à la réalité : sécuriser le passage du cadrage à la mise en œuvre
Dans mes précédents articles, nous avons exploré comment débusquer le vrai besoin métier derrière les demandes de « solutions » et comment aligner les parties prenantes autour d’une gouvernance claire. Mais une fois que le consensus est atteint sur les priorités, un nouveau défi apparaît : éviter toute perte de substance entre les ateliers de cadrage et la phase de mise en œuvre.
En effet, le succès d’un projet Salesforce ne se joue pas uniquement dans la justesse du diagnostic initial ou la clarté de la vision stratégique, mais dans la rigueur avec laquelle cette intention est convertie en une réalité opérationnelle créatrice de valeur. Ainsi, tout l’enjeu réside donc dans la création d’un pont solide entre ces deux mondes. Voici donc quelques clés pour sécuriser cette transition et garantir que la solution finale reste fidèle à l’intention métier initiale.
1. Briser le mur entre cadrage et mise en œuvre
Je constate souvent que le cadrage est traité comme une phase isolée qui se termine par un passage de témoin « froid » aux équipes techniques. Pour dépasser ce cloisonnement, le but est de tisser un véritable fil rouge : un lien de continuité qui traverse chaque sprint pour garantir que chaque ligne de code ou chaque configuration reste parfaitement alignée avec la vision et les arbitrages validés lors du cadrage.
- Impliquer précocement les équipes de réalisation : Qu’il s’agisse de configuration simple ou avancée, ou de développements spécifiques, les équipes ne devraient pas découvrir le projet au premier jour du sprint. En les associant aux étapes clés du cadrage dès que les choix de solution se cristallisent, vous permettez aux configurateurs et développeurs d’être force de proposition. Cette synergie permet de valider la faisabilité technique au fil de l’eau et de choisir la solution la plus pérenne en privilégiant le #StandardFirst tant que peut se faire pour réduire la dette technique future.
- Maintenir un alignement permanent : Le rôle du consultant (BA/PO) prend ici tout son sens. Souvenez-vous : dans le premier article de cette série, nous avons rappelé la force des 5 Pourquoi. Le BA/PO est donc celui qui continue de les poser pendant l’implémentation. En effet, il ne se contente pas de produire des spécifications ; il devient le gardien de l’intention du métier au quotidien. En accompagnant l’équipe de mise en œuvre, il aide à arbitrer les choix techniques pour qu’ils servent toujours l’objectif initial. Cette présence continue évite que l’essence du besoin ne s’efface derrière des raccourcis de paramétrage ou des configurations trop complexes.
2. Les outils visuels : les supports de conception
Le cadrage produit des actifs précieux qui constituent le socle de la configuration. Plutôt que de longs documents textuels, privilégiez des outils visuels qui favorisent une compréhension partagée :
- Diagramme de processus (Process Maps) : Ils modélisent l’enchaînement logique des processus métiers et des parcours utilisateurs, de leur état actuel (As-Is) à la cible (To-Be). Ces cartographies servent de garde-fou : elles garantissent que la logique technique — qu’il s’agisse de Flows ou de règles de gestion — reste ancrée dans la réalité des processus et du parcours utilisateur.
- Diagrammes de modèle de données (ERD) : C’est l’outil de traduction ultime entre les besoins métiers et la structure des données. En figeant cette structure (objets, champs, relations) dès la conception, vous offrez aux configurateurs et développeurs un cadre de travail prêt à l’emploi. S’appuyer sur l’ERD lors de la préparation des sprints permet de valider que la configuration prévue respecte l’architecture globale, évitant ainsi des refontes de modélisation coûteuses en plein milieu de projet. C’est donc un filet de sécurité pour éviter la dérive architecturale.
- Cartographie applicative (System Landscape) : Il s’agit de la cartographie de l’environnement informatique de votre client. Ce support est indispensable pour anticiper les dépendances critiques, maîtriser les flux d’intégration et prévenir les imprévus liés à la synchronisation des données au sein du Système d’Information.
3. Maintenir l’état d’esprit « Cadrage » durant la mise en œuvre
Le cadrage n’est pas une phase à « terminer », c’est un état d’esprit à maintenir tout au long du cycle de mise en œuvre. Pour transformer cette posture en réalité opérationnelle, je vous conseille d’adopter ces rituels :
- Le journal de décisions : Documentez systématiquement POURQUOI un choix a été fait. Cette pratique protège l’historique du projet et évite la remise en question d’arbitrages validés plusieurs mois auparavant.
Exemple de décision documentée : ‘Nous avons choisi de développer un trigger Apex plutôt qu’un Flow pour gérer la cascade de mises à jour, car le volume de données dépasse 10 000 enregistrements/jour. Décision prise le 15/03 avec le sponsor IT et le lead dev. Raison : éviter les “governor limits” des Flows dans ce contexte”.
- Boucles de feedback et démos : Valider les incréments de mise en œuvre au regard des indicateurs de succès définis au départ s’avère indispensable. Ce qui est présenté en démo doit permettre de confirmer ce qui a été convenu pendant le cadrage, tandis que le cadrage doit continuellement nourrir la mise en œuvre.
- Une « Definition of Ready » et « Done » exigeante : Une User Story ne devrait entrer en mise en œuvre que si elle répond directement à un objectif métier concret et s’inscrit dans la trajectoire définie lors du cadrage. À l’inverse, elle n’est terminée que si elle respecte les principes de conception et de qualité validés.
Conclusion : Le cadrage, garant de votre réussite
Le cadrage n’est pas une simple phase préliminaire; il constitue le socle indispensable sur lequel repose la pérennité de votre solution. Investir sérieusement dans cette étape permet de gagner du temps, de réduire les frictions et d’instaurer une confiance durable avec vos utilisateurs. Ce sont là les trois piliers d’un succès durable de vos projets Salesforce.
Comme je l’évoquais lors du French Touch Dreamin’ qui a inspiré cette série d’articles, la qualité de votre cadrage conditionne directement le potentiel de réussite de votre implémentation. Pour transformer l’ambition en solution, la recette est simple : définissez clairement les vrais besoins, établissez vos priorités de manière réfléchie, alignez les parties prenantes et, surtout, mettez en œuvre avec intention.
Un cadrage solide est le gage d’une mise en œuvre sereine. Le négliger, c’est condamner votre projet au chaos de l’improvisation.



